In memoriam

Je pleure mon ami David Wasserman

David était un peintre et un dessinateur de grand talent, et un grand amateur de théâtre et d’opéra. Le français, qu’il maîtrisait parfaitement, n’était pas sa langue maternelle, et il était atteint d’un fort bégaiement. Comme il s’emportait facilement, et qu’il pouvait se montrer d’une mauvaise foi sans bornes, converser avec lui était un sport, et le plus délicieux des exercices.  

Pendant un temps, nous avons partagé le privilège d’assister aux répétitions générales des spectacles des principaux festivals d’été. Nous nous retrouvions dans les gradins du Théâtre antique, du Palais de l’Archevêché, ou de la Cour d’honneur du Palais des papes. En m’installant aux côtés de mes confrères photographes, avec nos sacs, nos trépieds, et une débauche de matériel hors de prix et bruyant, j’espérais le repérer, quelques rangs plus haut, légèrement sur la gauche, son nécessaire d’aquarelliste posé sur ses genoux, souvent accompagné de Renate. Durant le spectacle, je me tournais de temps en temps vers lui, pour le regarder peindre, à la lueur de son petit éclairage portatif. 

Nous prîmes l’habitude d’échanger quelques mots après la représentation, et ces conversations suivaient un rituel immuable. Plutôt bon public, je défendais le spectacle quelles que soient les circonstances, et m’efforçais de trouver toutes sortes de qualités aux artistes. L’œil de David, au fil de mes louanges, parfois, il faut bien le dire, un peu forcées, s’illuminait d’un éclat sardonique, jusqu’à ce qu’il finisse par lâcher « Oui, enfin, c’était vraiment très mauvais! », voire « C’était totalement merdique ». Il n’était pas question de discuter ses sentences, qu’il prenait soin d’assortir d’un « Mais, tu n’as donc pas vu la mise en scène d’untel en 1980 ? » d’autant plus perfide que, plus âgé que moi de quelques années tout de même, il pouvait sans être contesté faire étalage de son expérience. 

Ce fut à l’issue d’une telle discussion qu’il me demanda si je voulais bien venir déjeuner chez lui, ce que j’acceptai avec joie. Cette invitation se renouvela année après année, et la maison de David et Renata devint pour ma famille l’une des étapes importantes de nos étés nomades. Il l’avait pensée et bâti de ses mains, au milieu des oliviers, face à la vallée de la Durance. Elle lui apportait un peu de paix, à lui qui semblait toujours lutter contre quelque chose. 

David avait vécu beaucoup de vies, et n’était doué ni pour les choses simples, ni pour les faux-semblants. Il est mort durant l’été 2021. Je reste infiniment touché par son amitié et sa confiance, ainsi que par celles de Renate.

Visitez les archives de David


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *